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[Think 2025] : « Sept instruments financiers européens peuvent soutenir les transports » (Carole Labbé)

News Tank Mobilités - Paris - Actualité n°392143 - Publié le
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©  Seb Lascoux
Carole Labbé et Dariush Kowsar - ©  Seb Lascoux

« On compte actuellement sept instruments financiers européens pour soutenir les transports. Cependant, un porteur de projet peut accéder à dix fonds différents, chacun avec ses propres règles d’éligibilité et modes de gestion, ce qui rend le dispositif complexe. La Commission envisage une rationalisation, voire une réduction du nombre de fonds », déclare Carole Labbé Conseillère économique @ Commission européenne
conseillère économique à la représentation de la Commission européenne • Principal organe exécutif de l’Union européenne• Création : 1958• Missions : - participer à la stratégie globale de l’UE,- proposer de nouvelles législations et politiques, assurer le suivi de… en France, le 18/03/2025.

Carole Labbé et Dariush Kowsar Directeur Europe @ SNCF Réseau
, directeur Europe de SNCF Réseau • SACP filiale de la SNCF - maison-mère de SNCF Gares & Connexions • Création : 01/01/2015 (fusion entre Réseau ferré de France, SNCF Infra et la Direction de la circulation ferroviaire) … , se sont exprimés lors du duo « Les financements européens et leur rôle dans l’accompagnement des projets » de Think Mobilités, à Sorbonne Université. Cette 2e édition de Think Mobilités avait pour thème « Financement des mobilités : quels nouveaux modèles, pour quels résultats ? ».

« Par ailleurs, une approche axée sur la performance sera introduite, inspirée des mécanismes des plans de relance et de résilience nationaux. L’attribution des fonds européens pourrait ainsi être conditionnée à l’atteinte d’objectifs quantitatifs et qualitatifs précis », selon Carole Labbé.

« Concernant SNCF Réseau, les financements européens se sont élevés à 339 M€ entre 2021 et 2023, répartis sur 16 projets. Sur une période de dix ans, cela représente près de 1 Md€ alloués à une cinquantaine de projets grâce au soutien de la Commission européenne. Ces financements couvrent des projets variés. Lorsqu’on pense à l’Union européenne, l’interconnexion entre pays vient immédiatement à l’esprit. Les financements européens ne se limitent cependant pas aux infrastructures transfrontalières et soutiennent aussi des initiatives stratégiques comme la digitalisation du système ferroviaire », ajoute Dariush Kowsar.

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« L’enveloppe de 25 Md€ du MIE Mécanisme pour l’interconnexion en Europe allouée pour 2021-2027 est déjà intégralement engagée en 2025 » (Carole Labbé)

Carole Labbé - ©  Seb Lascoux
« Les sources de financement européennes pour les transports sont nombreuses dans le cadre financier 2021-2027. Sept instruments financiers européens peuvent soutenir des projets dans ce domaine. Le plus connu en France est sans doute le Feder Fonds européen de développement régional , qui relève de la politique de cohésion et fonctionne sous forme de subventions, gérées de manière partagée entre l’Union Européenne, les États membres et les collectivités territoriales.

En France, sur l’enveloppe de 40 Md€ de Next Generation EU, l’Union Européenne a contribué à hauteur de 7 Md€ »

Un autre instrument notable, bien que moins visible, est le plan de relance Next Generation EU, mis en place après la crise du Covid. En France, sur une enveloppe de 40 Md€, l’UE a contribué à hauteur de 7 Md€.

Parmi les autres dispositifs, on peut citer Horizon Europe pour la recherche et l’innovation, le Fonds pour l’innovation et InvestEU Programme européen de soutien aux entreprises qui regroupe plusieurs instruments financiers de l’UE pour simplifier l’accès aux financements. Il succède à l’EFSI , qui fonctionne sous forme de prêts et de garanties plutôt que de subventions. Ce dernier est mis en œuvre en France via la BEI Banque européenne d’investissement , la Caisse des Dépôts et la BPI Banque Publique d’Investissement .

Le MIE, quant à lui, finance les infrastructures dans trois domaines clés : l’énergie, le numérique et les transports. Ce mécanisme cible des projets ayant une forte valeur ajoutée européenne, en particulier des infrastructures transfrontalières. Les États membres étant généralement réticents à financer des projets dépassant leurs intérêts nationaux, le MIE joue un rôle crucial dans le soutien aux réseaux transeuropéens de transport.

Ce réseau se divise en deux niveaux : un corridor central, stratégique, dont la finalisation est prévue pour 2030, et un réseau secondaire à échéance 2050. Le MIE priorise le financement du réseau central, avec une enveloppe de 25 Md€ pour la période 2021-2027. Il soutient les infrastructures ferroviaires, routières, fluviales et maritimes, en mettant l’accent sur la décarbonation et les solutions numériques pour les transports.

Le règlement RTE-T a identifié 425 nœuds urbains pour améliorer la fluidité »

Un autre volet important concerne la connectivité avec les nœuds urbains. Le règlement RTE-T Réseau transeuropéen de transport a identifié 425 nœuds urbains pour améliorer la fluidité entre le réseau principal et les centres économiques régionaux. Ces zones peuvent prétendre au financement du MIE.

Le MIE fonctionne par gestion directe via l’agence CINEA Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l’environnement  . Il fonctionne sous forme de subventions et repose sur des appels à projets très concurrentiels, avec des critères d’éligibilité stricts. Cela complique l’accès aux financements pour les plus petites structures ou celles dont les projets ne présentent pas un impact européen significatif.

En termes de consommation budgétaire, l’enveloppe de 25 Md€ allouée pour 2021-2027 est déjà intégralement engagée en 2025. Il n’y a donc pas de problème de communication autour du MIE, mais plutôt une difficulté d’accessibilité pour certaines collectivités ou AOM Autorité organisatrice de la mobilité . Cela dit, des acteurs comme SNCF Réseau maîtrisent parfaitement cet instrument et l’ont mobilisé pour de nombreux projets en France comme le Lyon-Turin.

Ne pas opposer projet européen et projet national »

Il est essentiel de ne pas opposer projet européen et projet national. En effet, les projets financés en France, notamment au niveau local, qui revêtent une dimension régionale et structurante pour un territoire, s’intègrent également dans les réseaux et corridors européens. Ils participent ainsi à la connexion des différents pays de l’Union européenne, formant un ensemble cohérent et articulé.

Concernant l’avenir, la période 2021-2027 a déjà été abordée, mais la Commission est actuellement en pleine réflexion sur le futur cadre financier pluriannuel post-2027. Des propositions seront mises sur la table dès juillet 2025. Ce sujet fait l’objet de nombreux débats internes, et suscitera également des discussions approfondies avec les États membres et le Parlement européen, notamment sur la refonte du budget et des secteurs qui seront financés.

Si les contours exacts des propositions de juillet restent à préciser, certaines orientations se dessinent déjà. Un effort significatif de simplification des fonds est prévu. Actuellement, on compte sept fonds dédiés aux transports, mais un porteur de projet peut avoir accès à dix fonds différents, chacun avec ses propres règles d’éligibilité et modes de gestion, rendant le dispositif complexe. La Commission envisage donc une rationalisation et potentiellement une réduction du nombre de fonds.

L’attribution des fonds européens pourrait être conditionnée à l’atteinte d’objectifs quantitatifs et qualitatifs »

Par ailleurs, une approche axée sur la performance sera introduite, s’inspirant des mécanismes mis en place pour les plans de relance et de résilience au niveau national. L’attribution des fonds européens pourrait être conditionnée à l’atteinte d’objectifs quantitatifs et qualitatifs précis. Par exemple, la rénovation de 300 km de lignes de fret pourrait être un critère déterminant pour l’octroi de subventions.

Autre fonds clé actuellement en cours de déploiement, le Fonds social pour le climat. Celui-ci est instauré en amont de la mise en œuvre de l’ETS Emissions Trading System - Système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de CO2 de l’UE 2, le marché carbone, qui introduira une taxe carbone sur le logement et les carburants. Son impact social étant significatif, ce fonds vise à atténuer ses effets sur les publics les plus précaires, tant en matière énergétique que de transport. Chaque État membre doit soumettre un plan à la Commission en juin 2025, intégrant des réformes et des investissements pour lutter contre la précarité énergétique et améliorer l’accessibilité aux transports durables pour les usagers vulnérables afin d’atténuer les effets de l’ETS 2.

La France bénéficiera de 8 Md€ sur la période 2026 - 2033 du Fonds social pour le climat »

Ce fonds pourrait financer diverses infrastructures et solutions de mobilité durable. La France bénéficiera de 8 Md€ sur la période 2026 - 2033. Nos modélisations montrent que, d’un point de vue environnemental, un euro investi dans les transports publics génère une réduction des émissions de CO2 Dioxyde de carbone plus efficace qu’un euro investi dans la rénovation énergétique, notamment en raison de l’effet rebond observé dans ce dernier domaine.

Les autorités nationales élaborent actuellement leur stratégie en la matière, et il est encore temps pour les acteurs du secteur de contribuer à ces discussions. Une consultation sur l’avenir du cadre financier pluriannuel (CFP Cadre financier pluriannuel ) est ouverte jusqu’au 06/05/2025. Tous les acteurs sont invités à y participer afin de contribuer à la définition de l’avenir des fonds européens, qui auront un impact structurant sur les territoires, les collectivités et les secteurs concernés. »

« Pour SNCF Réseau, les financements européens ont représenté 339 M€ entre 2021 et 2023, répartis sur 16 projets » (Dariush Kowsar)

Dariush Kowsar - ©  Seb Lascoux
« En ce qui concerne SNCF Réseau, les financements européens ont représenté 339 M€ entre 2021 et 2023, répartis sur 16 projets. Sur une échelle de dix ans, c’est près de 1 Md€ alloués à une cinquantaine de projets grâce au soutien de la Commission européenne. Ces financements concernent des projets variés. Lorsqu’on pense à l’Union européenne, l’interconnexion entre pays vient immédiatement à l’esprit.

Parmi les exemples notables, le projet Lyon-Turin a bénéficié de 64 Md€ pour les études des accès alpins. Ce projet vise à améliorer et réaliser les itinéraires menant de Lyon jusqu’au tunnel transfrontalier vers l’Italie, reliant ainsi trois grandes métropoles - Lyon, Turin et Milan - ainsi que deux des régions économiques les plus dynamiques d’Europe.

Les financements européens ne se limitent pas aux infrastructures transfrontalières »

Toutefois, les financements européens ne se limitent pas aux infrastructures transfrontalières. Ils soutiennent aussi des initiatives stratégiques comme la digitalisation du système ferroviaire. Le projet Timetabling Redesign, par exemple, a reçu 17 M€ pour moderniser la gestion capacitaire ferroviaire en Europe. Ce projet, mené en partenariat avec d’autres gestionnaires d’infrastructures, vise à optimiser l’utilisation des voies en alignant des trains aux vitesses et destinations différentes, permettant ainsi des économies d’échelle.

Un autre projet significatif concerne la modernisation de la caténaire Midi, au sud de Bordeaux. Cette infrastructure ancienne était vulnérable aux variations climatiques. La modernisation, financée par l’Union européenne, améliore sa résilience à 25 kV sur un axe stratégique reliant la France à l’Espagne.

Par ailleurs, les financements européens accompagnent les grands projets nationaux. Par exemple, la Ligne Nouvelle Sud-Ouest (ex-GPSO Grand projet du Sud-Ouest, qui comprend la LGV Bordeaux-Toulouse ), qui reliera Bordeaux à Toulouse et à Dax, a reçu 80 M€ pour la phase actuelle. De même, la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan a bénéficié de 29 M€ pour ses études d’avant-projet. Ce dernier projet est un bon exemple de l’articulation entre niveau national et européen : il renforce le réseau à grande vitesse français, libère de la capacité pour le fret ferroviaire sur l’axe méditerranéen, et s’inscrit dans le corridor européen RTE-T méditerranéen.

Les subventions européennes ne sont pas des initiateurs de projets »

Les subventions européennes ne sont pas des initiateurs de projets. Un projet ferroviaire naît avant tout d’un besoin identifié par les acteurs du secteur - État, régions, collectivités, industriels, SNCF Réseau, etc. - et non du financement lui-même. Cependant, ces aides jouent un rôle d’accélérateur et de catalyseur, facilitant la structuration et la réalisation des projets. En présence d’un appel à projets européen, les parties prenantes doivent rapidement trouver un accord pour ne pas manquer l’opportunité, ce qui accélère les décisions.

Un exemple emblématique est le projet ERTMS European Rail Traffic Management System - Système européen de gestion du trafic ferroviaire, constitué de l’ETCS18 et du GSM-R Paris-Lyon. En novembre 2024, la ligne à grande vitesse a été fermée pendant 111 heures pour installer un système de signalisation européen. Ce projet de 800 M€ a reçu 117 M€ de subventions européennes, illustrant l’effet levier de ces financements.

Si l’on prend du recul, l’Europe dispose d’un budget de 25 Md€ sur sept ans pour l’ensemble des infrastructures de transport des 28 pays membres. Bien que cela puisse sembler limité face aux 6 Md€ de dépenses annuelles de SNCF Réseau, ces financements font réellement la différence sur des projets ciblés, en permettant leur réalisation dans des délais raccourcis. Ils ne créent pas les projets, mais ils les rendent possibles et les accélèrent.

Chez SNCF Réseau, nous sommes attachés à la préservation de financements centralisés au niveau européen, fléchés sur le ferroviaire. Cette centralisation garantit que ces fonds restent bien alloués à ce secteur sur le long terme et permettent une mise en cohérence des programmes d’interopérabilité. Une planification synchronisée entre États membres est indispensable pour maximiser l’efficacité des investissements. De plus, il existe une zone grise, notamment aux frontières, qui n’est pas naturellement prioritaire pour un État membre pris individuellement. Il est donc essentiel qu’une partie des subventions reste dans le cadre de ces programmes européens. »

Dariush Kowsar


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Parcours

SNCF Réseau
Directeur Europe
SNCF Gares & Connexions
Directeur de la Gare d’Austerlitz

Établissement & diplôme

Sapienza Università
Diplômé

Fiche n° 53532, créée le 24/02/2025 à 11:32 - MàJ le 21/03/2025 à 09:34

Carole Labbé


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Parcours

Commission européenne
Conseillère économique
Commission européenne
Policy officer - State aid coordinator and country desk France
Commission européenne
Responsable équipe pays
Comité européen des Régions (CdR)
Administratrice

Établissement & diplôme

Sciences Po Paris (IEP Paris)
Science politique et gouvernement

Fiche n° 53530, créée le 24/02/2025 à 11:15 - MàJ le 21/03/2025 à 09:47

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Carole Labbé et Dariush Kowsar - ©  Seb Lascoux