Exclusif[Think 2025] « Expliquer qu’il faut d’abord une dépense publique pour créer des gains » (F. Durovray)
« Nous, politiques, devons être capables d’expliquer qu’il faut une dépense publique initiale pour générer des gains privés ensuite. Beaucoup de sujets liés à la transition écologique répondent à cette logique. Seule la collectivité peut investir dans les infrastructures et l’ancrage de la mobilité. Cependant, les gains à terme, tant publics que privés, dépassent largement les coûts engagés », déclare François Durovray
Président @ Communauté d’agglomération Val d’Yerres Val de Seine • Président @ Département de l’Essonne (CG 91)
, président du conseil départemental de l’Essonne le 18/03/2025.
Il s’exprime lors de la table ronde consacrée au financement des mobilités en zone rurale de Think Mobilités, à Sorbonne Université. Notre 2e édition avait pour thème « Financement des mobilités : quels nouveaux modèles, pour quels résultats ? » et a enregistré 241 inscrits.
« Une avancée a été obtenue dans le PLF
Projet de loi de finances
2025 avec la possibilité de consacrer une partie du VM
Versement mobilité
aux Régions. Un amendement introduit une obligation d’affectation de 10 % du VM aux territoires ayant une faible base fiscale. Nous devons maintenant attendre les décrets d’application ainsi que les décisions des régions quant à l’utilisation de cet outil. Mais il manque encore une brique dans la loi. Actuellement, elle impose la mise en place de transports réguliers pour pouvoir lever le VM. Or, dans les territoires peu denses, ce modèle est parfois inadapté. La PPL
Proposition de loi
que j’ai déposée vise donc à permettre la levée du VM même en l’absence de transport régulier », selon Olivier Jacquin
Sénateur (SER) de Meurthe-et-Moselle @ Sénat
, sénateur de Meurthe-et-Moselle.
News Tank rend compte des échanges.
« Cinq ans après la LOM Loi d’orientation des mobilités , il faut maintenant passer de la prise de compétence à la mise en place effective de solutions » (François Durovray)
Aujourd’hui, des nouvelles solutions permettent d’apporter des réponses adaptées aux enjeux de mobilité. Historiquement, la France s’est beaucoup concentrée sur le ferroviaire et les métropoles, ce qui était justifié. Cependant, de nouvelles technologies offrent la possibilité de développer des solutions de mobilité plus diversifiées. Par exemple, des alternatives comme le Draisy pourraient répondre à des besoins ferroviaires sur des flux moins élevés que ceux des TER Transport express régional, marque de SNCF Voyageurs , ce qui représente un véritable défi pour les régions, confrontées à des coûts élevés et à un manque de public.
Dans de nombreuses zones, le ferroviaire n’est pas la solution, la route l’est »Toutefois, dans de nombreuses zones, le ferroviaire n’est pas la solution, la route l’est. Il faut donc digitaliser la route et massifier les usages, c’est-à-dire augmenter le taux d’occupation des véhicules. Pour cela, deux solutions s’imposent : le développement des transports publics (bus, cars) et l’optimisation de la voiture individuelle via le covoiturage.
Ces solutions existent. L’évolution des plateformes numériques permet notamment de réinventer l’autostop. En Lozère, l’autostop fonctionne encore, contrairement aux zones urbaines où il a disparu. Cela montre que, lorsqu’il n’y a pas d’autre solution, les habitants trouvent des alternatives. Le numérique peut moderniser cette pratique en mettant en relation des personnes ayant des trajets compatibles, avec des incitations financières à la clé.
Sur le plan financier, la LOM a représenté une avancée majeure il y a cinq ans. Cependant, si l’on en faisait le bilan aujourd’hui, on constaterait que la création d’AOM Autorité organisatrice de la mobilité n’a pas forcément abouti à une offre concrète. Il faut maintenant passer de la prise de compétence à la mise en place effective de solutions.
Les régions doivent réfléchir à des offres complémentaires au TER, ce qui représente une révolution culturelle. De leur côté, les communautés de communes et d’agglomération manquent parfois des compétences techniques nécessaires pour concevoir des systèmes de mobilité adaptés. L’ingénierie technique est un enjeu presque aussi crucial que la question du financement.
Dans ce cadre, j’avais porté, dans le PLF 2025, la proposition d’un VM pour les régions, ainsi qu’un VM additionnel permettant à différents niveaux de collectivités (régions, départements, intercommunalités) de travailler ensemble. L’idée était de s’appuyer sur le syndicat mixte loi SRU Solidarité et renouvellement Urbain , qui existe déjà, mais dont les prélèvements sont limités aux villes de moins de 100 000 habitants. Pour assurer un financement stable, il serait pertinent d’étendre cette contribution aux villes-centres, qui bénéficient de l’afflux de travailleurs venant des périphéries.
Ce n’est donc pas tant une question de montant que de donner aux collectivités les outils pour agir »Les coûts ne sont pas excessifs : le covoiturage coûte environ 20 centimes par kilomètre, tandis qu’un car express revient à 3,50 €/ kilomètre, bien moins que le TER. Ce n’est donc pas tant une question de montant que de donner aux collectivités les outils pour agir. Malheureusement, cette proposition n’a pas abouti en raison de divers blocages au Sénat et du changement de gouvernement. Toutefois, je suis convaincu que les régions sauront saisir l’opportunité du VM.
Nous, politiques, devons être capables d’expliquer qu’il faut une dépense publique initiale pour générer des gains privés ensuite. Beaucoup de sujets liés à la transition écologique répondent à cette logique. Seule la collectivité peut investir dans les infrastructures et l’ancrage de la mobilité. Cependant, les gains à terme, tant publics que privés, dépassent largement les coûts engagés. »
François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne
« La PPL que j’ai déposée vise à permettre la levée du VM même en l’absence de transport régulier » (Olivier Jacquin)
La LOM, à sa sortie du Sénat, prévoyait une dotation pour les AOM dans les territoires peu denses, notamment ceux disposant de peu de ressources issues du VM. Or, cette disposition n’a pas résisté à la CMP Commission mixte paritaire . Il en résulte un manque de moyens financiers, alors même que des responsabilités ont été confiées à ces territoires.
Dans certains territoires, la voiture est le seul moyen de déplacement, les distances étant trop longues pour la marche. Certains habitants n’ont pas de véhicule ou ne peuvent en acquérir un, ce qui pose un problème majeur d’exclusion.
Une avancée a toutefois été obtenue dans le PLF 2025 avec la possibilité de consacrer une partie du VM aux régions. Un amendement, rédigé en discutant avec les équipes de François Durovray et co-signé par Philippe Tabarot
Ministre chargé des Transports @ Ministère des Transports • Sénateur (LR) des Alpes-Maritimes @ Sénat
lorsqu’il était sénateur, introduit une obligation d’affectation de 10 % du VM aux territoires ayant une faible base fiscale. Nous devons maintenant attendre les décrets d’application ainsi que les décisions des régions quant à l’utilisation de cet outil.
Certaines ont choisi, pour des raisons politiques, de ne pas lever le VM régional. Il sera intéressant d’observer leur position lorsqu’elles solliciteront des financements auprès du ministre des Transports.
Il manque encore une brique dans la loi »Mais il manque encore une brique dans la loi. Actuellement, elle impose la mise en place de transports réguliers pour pouvoir lever le VM. Or, dans les territoires peu denses, ce modèle est parfois inadapté. Le transport à la demande ou le covoiturage ne sont pas considérés comme des transports réguliers. La PPL que j’ai déposée vise donc à permettre la levée du VM même en l’absence de transport régulier.
Pour répondre aux enjeux de mobilité dans les territoires peu denses, une approche combinant plusieurs solutions est nécessaire. Mon rapport sur le sujet proposait une stratégie reposant sur trois piliers principaux :
- Le rabattement sur les transports existants : Lorsque des réseaux ferroviaires ou de cars existent, il faut tout mettre en œuvre pour les densifier. Certaines innovations, comme les expérimentations sur le ferroviaire ultra-léger, pourraient élargir le champ d’application de ces modes de transport. Par ailleurs, les cars express sur route offrent aussi un potentiel de développement important.
- La socialisation de la voiture : Le covoiturage structuré (comme Ecov), l’autopartage et les transports à la demande sont autant de solutions permettant d’optimiser l’utilisation du parc automobile existant.
- Le développement des modes doux : Même dans les espaces peu denses, la marche et le vélo ont leur place. Il est crucial de sécuriser les déplacements à pied dans les zones urbanisées et de favoriser le développement des pistes cyclables. Le vélo électrique, en particulier, change la donne en rendant possible des trajets plus longs. Sachant que la moitié des déplacements quotidiens font moins de 5 km, il existe un réel potentiel d’extension de ces modes de transport.
Enfin, il serait nécessaire d’évaluer la mise en œuvre de la compétence mobilité par les intercommunalités. Une partie du territoire n’a pas encore pris cette compétence, et là où elle a été adoptée, les avancées restent trop lentes, notamment par manque de moyens techniques et d’acculturation des élus. »
Olivier Jacquin, sénateur de Meurthe-et-Moselle, membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
« L’utilisation du levier du VM reste marginale dans les territoires peu denses » (Jean-Christophe Combe
directeur marketing, innovation, développement durable et engagement @ Keolis • Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées @ Gouvernement Borne 2 • Directeur général …
)
14 millions de Français sont en situation de précarité mobilité : c’est une réalité dont je peux aussi témoigner comme ancien directeur général de la Croix-Rouge et ancien ministre des Solidarités. Il s’agit d’une véritable question sociale et de cohésion. De nombreuses personnes en territoire rural, notamment les jeunes, les seniors, les personnes en situation de handicap ou de précarité, peinent à accéder à leurs droits les plus fondamentaux. La mobilité est souvent qualifiée de “droit des droits”, car elle conditionne l’accès au travail, à l’éducation, à la formation, à la santé, à la culture et au sport.
45 % des communes de moins de 1 000 habitants n’ont tout simplement pas d’arrêt de transport en commun »En zone rurale, cette difficulté est encore plus marquée. 17,4 % des Français vivent dans une commune sans arrêt de transport en commun à moins de 10 minutes de marche. 45 % des communes de moins de 1 000 habitants n’ont tout simplement pas d’arrêt de transport en commun.
Cette situation contraint les habitants à utiliser leur voiture et les rend totalement dépendants. En zone rurale, 80 % des trajets sont effectués en voiture. Or, cela a un coût : pour les ménages les plus modestes, la mobilité représente plus de 30 % du budget familial.
Au-delà de l’aspect financier, il y a aussi un enjeu écologique. Le transport représente 30 % des émissions de gaz à effet de serre, et ce chiffre monte à 42 % en zone rurale.
Les recettes tarifaires ne couvrent qu’une infime partie des frais d’exploitation des réseaux »Enfin, sur la question du financement des mobilités en milieu rural, la situation est encore plus complexe qu’ailleurs. Les recettes tarifaires ne couvrent qu’une infime partie des frais d’exploitation des réseaux, ce qui pose un véritable problème de financement. Celui-ci repose principalement sur des subventions publiques, provenant des collectivités locales, des régions ou des communautés ayant adopté la compétence transport. De plus, l’utilisation du levier du VM reste marginale dans ces territoires.
Lorsqu’on est ministre, faire valoir ses sujets fait partie de notre rôle. Lorsque j’étais ministre entre 2022 et 2023, le contexte était très différent, que ce soit sur le plan politique, économique ou géopolitique. Aujourd’hui, la pression sur les finances publiques est plus forte et les arbitrages sont encore plus complexes. Faut-il privilégier les mobilités ou le financement de la défense nationale ? Ce sont des choix difficiles.
La question des mobilités, notamment en milieu rural, est essentielle et doit être placée au-dessus de la pile »Pourtant, la question des mobilités, notamment en milieu rural, est essentielle et doit être placée au-dessus de la pile. Elle touche à l’égalité républicaine et à l’aménagement du territoire. La rupture d’égalité et les fractures territoriales que l’on vit aujourd’hui sont inacceptables. Nous devons y répondre collectivement.
Par ailleurs, les mobilités s’inscrivent pleinement dans les défis de notre époque, notamment la transition écologique. Décarboner les territoires ne concerne pas uniquement les grandes villes : c’est une nécessité pour tous. Il faut donc accompagner tous les territoires, en proposant des solutions réalistes et efficaces.
Pour convaincre, il faut des projets solides et bien définis. C’est tout l’enjeu de la prochaine conférence de financement des mobilités, présidée par Dominique Bussereau
Président @ Ambition France Transports • Président du Conseil général puis départemental @ Charente-Maritime
, dont Keolis, en temps qu’opérateur, attend beaucoup. Il existe des initiatives innovantes, comme celles portées par Sylvie Landriève
Directrice FORUM VIES MOBILES, Institut de recherche et d’échanges sur la mobilté soutenu par SNCF @ SNCF
du Forum Vies Mobiles.
L’innovation joue un rôle clé. Nous avons évoqué les SERM Service Express Régional Métropolitain , les offres de transport à la demande , qui doivent être optimisées grâce au digital pour améliorer le groupage et la planification des trajets. Des expérimentations sont en cours, comme les lignes de car express associées au covoiturage à Grenoble, qui permettent d’augmenter la fréquence et de mieux desservir certaines zones.
La digitalisation est un levier majeur pour l’intermodalité »La digitalisation est un levier majeur pour l’intermodalité. Des avancées dans les systèmes de billettique et de calcul d’itinéraires facilitent l’accès aux services de mobilité. Il faut continuer à investir dans ces innovations.
Dernier point : les navettes autonomes. La technologie est suffisamment mature pour qu’elles puissent, à terme, compléter l’offre de transport à la demande en zone rurale. »
Jean-Christophe Combe, directeur Marketing, innovation, développement durable et engagement de Keolis.
« D’un point de vue républicain, il est impératif que l’État nous donne les moyens d’agir » (Damien Charlet
2ème Vice-Président en charge des mobilités @ Pays de Montbéliard Agglomération (PMA)
)
Dès l’époque, nous avions identifié des enjeux de mobilité. Le VM s’élevait alors à environ 20 M€ pour les 29 communes, répondant à des besoins de transport essentiellement urbains. Ainsi, depuis une quarantaine d’années, un réseau de transport en commun a été mis en place avec un fonctionnement adapté à cette réalité territoriale : l’absence d’hypercentre, mais une structure globalement standard.
L’agglomération s’est élargie avec l’intégration de 43 nouvelles communes, mais seulement 20 000 habitants »L’adoption de la loi NOTRe en 2017 a coïncidé avec l’avancement de notre projet de BHNS Bus à haut niveau de service . Ce projet s’est accompagné d’un relèvement du taux du VM à 1,8 % afin d’en assurer le financement. Cette évolution a représenté un engagement important en termes d’infrastructures, de matériel roulant et de coûts d’exploitation. Parallèlement, l’agglomération s’est élargie avec l’intégration de 43 nouvelles communes, mais seulement 20 000 habitants, ces communes étant majoritairement rurales et éloignées. Leurs besoins et modes de financement en matière de mobilité diffèrent donc sensiblement.
Cette transformation a nécessité une refonte de notre politique de mobilité, visant à articuler les besoins des zones urbaines et rurales tout en tenant compte de la prégnance de la culture automobile locale. Dans notre territoire, posséder une Peugeot est une norme, et la voiture reste omniprésente malgré son coût croissant.
Pour répondre aux nouveaux enjeux, nous avons adapté notre offre de services : mise en place de transports à la demande, développement du covoiturage en l’intégrant pleinement à notre offre de mobilité. Ainsi, les usagers peuvent régler leur trajet en covoiturage avec un ticket de bus, assurant une continuité entre les différents modes de transport. Le covoiturage est considéré comme à égalité avec un service de bus ou de transport à la demande.
La principale difficulté reste le modèle économique »Nous avons également développé des solutions alternatives telles que le vélo à assistance électrique pour favoriser les déplacements sur des distances intermédiaires. Cependant, la principale difficulté reste le modèle économique. Malgré l’homogénéisation du taux de VM à l’ensemble des communes, l’apport financier complémentaire reste limité à 1 M€ d’euros.
Le mouvement des Gilets jaunes a mis en lumière la nécessité d’adapter l’offre de mobilité aux habitants contraints à l’usage de la voiture individuelle. Aujourd’hui, il est indispensable de réfléchir à des solutions économiques innovantes pour développer des transports publics inclusifs et adaptés aux besoins de chaque territoire.
Je souscris entièrement à la proposition d’un VM local, sous la forme de l’affectation d’une part du VM régional déjà en place, et d’autre part, un vrai VM rural qui pourrait être porté par les communautés de communes, quelle que soit leur taille. C’est une nécessité aujourd’hui.
Nous nous retrouvons dans une situation où nous devons « déshabiller Paul pour habiller Jacques », ce qui est inacceptable »Face à ces besoins pas si nouveaux et à l’offre de services que nous voulons développer, nous nous retrouvons dans une situation où nous devons »déshabiller Paul pour habiller Jacques« , ce qui est inacceptable.
D’un point de vue républicain, il est impératif que l’État nous donne les moyens d’agir de manière claire et lisible, en apportant une réponse à ce sentiment d’exclusion que ressentent certains de nos concitoyens. Il nous faut un cadre structurant, avec un VM financé par les employeurs et les collectivités, mais aussi par une aide de l’État et de l’Europe.
L’État perçoit environ 60 Md€ de fiscalité sur les mobilités. Une part significative de ces fonds doit être réinvestie dans des solutions vertueuses comme les transports publics. Il existe par ailleurs des fiscalités vertes qui doivent être exploitées pour répondre aux enjeux écologiques actuels.
Nous sommes tous membres d’une même nation, mais nous avons besoin de solutions adaptées aux réalités locales. Aujourd’hui, il faut répondre simultanément aux enjeux de l’inclusion sociale, du développement territorial et de la transition écologique. »
Damien Charlet, vice-président de Pays de Montbéliard Agglomération (Doubs), membre du conseil d’administration du GART.
« Optimiser les solutions existantes, assurer l’animation territoriale et voir la mobilité comme une source d’économie » (Sébastien Bailleul
Directeur PEPS : partenariat, Europe, plaidoyer, stratégie de communication. @ Wimoov
)
On cherche à quantifier cette précarité de mobilité, cette dépendance à la voiture, cette absence d’alternative à la voiture individuelle. Aujourd’hui, 15 millions de Français sont en situation de précarité, de mobilité. À l’échelle nationale, cela représente 19,5 % de la population majeure. Dans les zones rurales, ce chiffre grimpe à près de 28 %.
Deuxième chiffre issu du baromètre des mobilités du quotidien : la question du choix dans son mode de déplacement. À l’échelle nationale, 45 % des Français déclarent ne pas avoir le choix dans leur mode de déplacement. C’est près d’un Français sur deux. Dans les zones rurales, ce chiffre monte à 70 %.
Dans les zones urbaines, proposer des solutions est plus simple : transport collectif, bus, préparation des trajets, apprentissage du vélo pour exploiter les infrastructures existantes. Dans le périurbain, c’est plus compliqué. En zone rurale, si ces solutions urbaines n’existent pas, il n’y a simplement pas d’alternative.
C’est dans cette optique que nous avons lancé une expérimentation sur trois territoires ruraux en partenariat avec les communautés de communes et une communauté d’agglomération. Nous avons choisi : Carhaix, en Bretagne, Hesdin, dans le Pas-de-Calais et un territoire rural d’Île-de-France, en Seine-et-Marne, dans le Pays de l’Ourcq.
L’objectif était d’expérimenter et d’identifier un modèle économique viable pour ces zones rurales et passer à l’échelle. Nous étions convaincus que nous pourrions y parvenir. Trois ans plus tard, nous avons révisé nos attentes.
Une des premières difficultés rencontrées est le besoin d’investissement initial. Aujourd’hui, notre expérimentation est financée par la DGEFP Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle , via le ministère du Travail. Pourquoi ? Parce que la mobilité est directement liée à l’emploi. Ce n’est donc pas le ministère des Transports qui a soutenu ce projet. Est-ce une anomalie ? Chacun se fera son avis.
Cette expérimentation coûte 300 000 € par an et par territoire »Cette expérimentation coûte 300 000 € par an et par territoire. Il s’agit de développer des solutions adaptées aux zones rurales : covoiturage, autopartage, aménagements cyclables, etc. Ces investissements sont nécessaires, mais ils impliquent un coût de fonctionnement important.
Un modèle hybride public-privé semble une piste prometteuse. Un financement public permettrait le lancement du service, tandis qu’un modèle économique privé pourrait assurer sa viabilité. Mais en zone rurale, la densité d’utilisateurs est trop faible pour garantir la rentabilité.
Au-delà du financement, il y a aussi une question de compétences et de gouvernance. De nombreuses communautés de communes n’ont ni l’expertise ni les ressources humaines pour porter de tels projets. La compétence technique en matière de transport et de mobilité fait défaut.
Passer à une échelle plus large requiert une volonté politique forte »Malgré ces obstacles, plusieurs pistes ont été évoquées aujourd’hui : le dispositif des CEE Certificat d’économie d’énergie - Mécanisme qui vise à obliger ou encourager des acteurs à réaliser des économies d’énergie via la délivrance d’un certificat , le Fonds social européen comme source de financement potentielle, le Fonds vert, bien que réduit, reste accessible pour le développement d’infrastructures. Passer à une échelle plus large requiert une volonté politique forte.
Les associations sont souvent à l’avant-garde de l’innovation en période de restriction budgétaire. Il existe déjà des expérimentations intéressantes, notamment en matière de TAD Transport à la demande . Certes, ces solutions ne sont pas toujours parfaitement adaptées aux besoins en termes d’horaires ou de trajets, mais elles se multiplient et évoluent.
Trois axes prioritaires se dégagent :
- D’abord, optimiser les solutions existantes, orienter les usagers vers les solutions déjà en place, comme le covoiturage ou le transport à la demande.
- Ensuite, l’animation territoriale est cruciale. De nombreuses initiatives existent mais restent méconnues par manque de communication.
- Enfin, la mobilité ne doit pas être perçue uniquement comme un coût, mais aussi comme une source d’économies et de création de valeur. Un accompagnement efficace permet à 52 % des bénéficiaires de Wimoov de retrouver ou de conserver un emploi ou une formation. De plus, nos actions génèrent une économie d’énergie de 31 % en favorisant des alternatives à la voiture individuelle. »
Sébastien Bailleul, directeur du plaidoyer et des relations institutionnelles de Wimoov.
« Il est nécéssaire de briser les silos de financement entre la route et les transports collectifs » (Harald Condé Piquer
Vice-président Impact et Gouvernance @ Ecov
)
Parallèlement, les politiques d’urbanisme ont encouragé les gens à aller habiter à 10, 20, voire 30 kilomètres de leur lieu de travail. Un sous-jacent implicite de ces choix était que les gens utiliseraient leur voiture individuelle, seuls, en porte-à-porte. C’est donc l’opposé du modèle des transports collectifs, qui repose sur la mutualisation des trajets dans un véhicule partagé.
Dans les grandes villes, nous avons commencé à renverser ce système voiture pour le remplacer par un système multimodal plus efficient, avec une offre cadencée, des transports passant toutes les cinq minutes, des vélos en libre-service, et une redondance garantissant la résilience du système. Toutefois, en dehors des centres urbains, là où les transports publics classiques n’assurent pas cette fréquence ni cette offre multimodale, les alternatives à la voiture restent très limitées.
Dans ces territoires, la voiture demeure souvent le seul moyen pratique de se déplacer. Pour ceux qui en possèdent une, elle est indispensable ; pour ceux qui n’en ont pas, la précarité de la mobilité est une réalité. On se retrouve soit »assigné au volant« , soit »assigné à domicile« . Quelques solutions existent, comme les transports à la demande ou le covoiturage via des plateformes, mais ces offres, bien qu’ayant leur public, ne permettent pas un report modal massif depuis la voiture solo vers des solutions collectives, contrairement à un RER Réseau express régional ou à un transport express routier cadencé.
Pour abandonner leur voiture, les usagers ont besoin d’une alternative fiable passant toutes les cinq à dix minutes »Les sondages montrent que, pour abandonner leur voiture, les usagers ont besoin d’une alternative fiable passant toutes les cinq à dix minutes. La question culturelle, bien qu’existante, reste secondaire face à la qualité de l’offre disponible. Actuellement, ni les transports publics classiques ni les modèles privés n’ont réussi à combler ce vide. Le numérique joue un rôle essentiel, mais seul, il ne peut pas résoudre le problème, même lorsqu’il est fortement soutenu par les CEE.
Toutes les plateformes de covoiturage réunies atteignent 0,25 % de l’objectif de décarbonation fixé par le SGPE »En effet, bien que les CEE aient été massivement attribués au secteur du covoiturage, les résultats restent limités. Aujourd’hui, toutes les plateformes et opérateurs de covoiturage réunis atteignent seulement 0,25 % de l’objectif de décarbonation fixé par le SGPE Secrétariat général à la planification écologique . Il reste donc une immense marge de progression.
Face à cette situation, nous devons déployer un autre système : un système de transport collectif intégrant la voiture. Ce système doit s’appuyer sur le numérique, des infrastructures adaptées, des financements adéquats et des incitations efficaces. Toutefois, nous ne pouvons pas exiger des petites collectivités rurales et des petites agglomérations qu’elles portent seules ce déploiement. Elles ont un rôle clé, mais l’effort doit être collectif.
Pour cela, il est essentiel de repenser les politiques publiques de mobilité, en modifiant notamment notre approche du financement. Trop souvent perçu comme un coût, celui-ci devrait être considéré comme un investissement à la fois comptable et stratégique. Même les coûts de fonctionnement, qui sont le nerf de la guerre, doivent être envisagés sous cet angle.
Le SGPE Secrétariat général à la planification écologique a fixé l’objectif d’augmenter d’ici 2030 le taux d’occupation des voitures de 1,43 à 1,51 passagers par véhicule. Cela peut sembler modeste, mais un tel gain permettrait d’éviter 19 milliards de kilomètres parcourus par an et de réaliser 6 Md€ d’économies publiques et privées. Il s’agit d’un retour sur investissement direct pour les politiques de transition de la route.
Déployer à grande échelle des services express routiers, des cars express, des lignes de covoiturage express, des aires de covoiturage, des voies réservées, etc., a un coût. On parle de quelques milliards d’euros d’investissement et d’environ 5 à 6 Md€ de fonctionnement annuel. Toutefois, ces montants restent bien inférieurs aux bénéfices attendus en termes de pouvoir d’achat, de finances publiques et de réduction de notre dépendance aux hydrocarbures russes ou américains, ainsi qu’aux technologies chinoises ou d’Elon Musk pour l’électrification du parc automobile. Il est donc primordial d’investir massivement pour rattraper ce retard.
On peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. À moitié plein, on constate que des projets voient le jour malgré un parcours du combattant. Des élus de petites communautés de communes rurales consacrent leurs week-ends à monter des appels à projets de l’Ademe Agence de la transition écologique pour recruter des chargés de mission à mi-temps. Ces derniers peuvent à leur tour répondre à de nouveaux appels à projets qui permettront de financer des infrastructures comme des pistes cyclables ou des lignes de covoiturage, comme à Brocéliande.
On observe aussi un engagement fort de la part de certains vice-présidents de régions et de métropoles. Ils portent des dynamiques de coopération territoriale qui transcendent les frontières administratives et politiques, rassemblant des élus de tous horizons pour faire émerger des projets structurants et novateurs. Des blocs de gouvernance intéressants se mettent en place autour des syndicats mixtes, comme le SMMAG Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise (ex-SMTC) à Grenoble, le SYTRAL, Île-de-France Mobilités, Nouvelle-Aquitaine Mobilité. Ces structures constituent de bons échelons de coopération territoriale, où les projets peuvent être portés à la fois politiquement, financièrement et techniquement.
La région Pays de la Loire qui a supprimé ses projets de covoiturage du jour au lendemain, sans concertation »Mais si l’on regarde le verre à moitié vide, on constate que l’échelle d’intervention n’est pas toujours idéale. Beaucoup d’initiatives reposent encore sur le volontarisme politique de certains élus ou techniciens. Dans de nombreux territoires, les changements restent marginaux, et la concrétisation des projets demeure tributaire de ressources fluctuantes : fonds verts, co-financement ou non par les préfectures, etc. La région Pays de la Loire qui a supprimé ses projets de covoiturage du jour au lendemain, sans concertation.
Pour changer la donne, il n’existe pas de recette magique : il faut répliquer ce qui fonctionne. Sur le plan financier, il y a des avancées notables, comme l’élargissement du VM, qui bénéficie à la fois aux territoires et aux opérateurs de transport. Mais il est nécessaire d’aller plus loin en brisant les silos de financement entre la route et les transports collectifs, entre les infrastructures et les services. Aujourd’hui, ces éléments sont encore trop pensés de manière cloisonnée.
Il faut repenser le financement de la route. La TICPE Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques va réduire mais d’autres leviers peuvent être mobilisés. La transition vers le véhicule électrique et autonome est une opportunité pour redéfinir le modèle économique. Nous proposons d’instaurer une taxe au kilomètre une fois que ces véhicules seront largement adoptés. L’objectif n’est pas de freiner leur déploiement, mais d’inciter à une utilisation plus sobre et de financer les alternatives vertueuses. La route représente un gisement d’optimisation considérable : la majorité des voitures circulent aux trois quarts vides. Une bonne stratégie d’investissement dans ce secteur permettrait de desserrer les contraintes financières à court terme. »
Harald Condé Piquer, vice-président Impact et Gouvernance d’Ecov.
François Durovray
Président @ Communauté d’agglomération Val d’Yerres Val de Seine
Président @ Département de l’Essonne (CG 91)
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Parcours
Président
Président
Membre du CA
Membre du conseil d’administration, en tant que représentant des collectivités territoriales
Ministre délégué chargé des Transports
1er Vice-président
Président
Conseiller régional
Maire
Conseiller municipal
Conseiller départemental
Directeur de cabinet du maire (Nicolas Dupont-Aignan)
Établissement & diplôme
DESS droit public, gestion des collectivités locales
Fiche n° 42867, créée le 09/02/2021 à 17:53 - MàJ le 19/03/2025 à 14:38

Jean-Christophe Combe
directeur marketing, innovation, développement durable et engagement @ Keolis
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Parcours
directeur marketing, innovation, développement durable et engagement
Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées
Directeur général
Directeur général par intérim
Directeur général adjoint
Directeur de cabinet du maire
Directeur de cabinet du Député-Maire et président de la communauté d’agglomération
Collaborateur audit du secteur public - senior assistant en commissariat aux comptes
Conseiller technique - Groupe Union Centriste
Établissement & diplôme
diplômé
Licence histoire-géographie
Fiche n° 50701, créée le 18/01/2024 à 12:50 - MàJ le 19/03/2025 à 14:38

Damien Charlet
2ème Vice-Président en charge des mobilités @ Pays de Montbéliard Agglomération (PMA)
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Parcours
2ème Vice-Président en charge des mobilités
Fiche n° 53356, créée le 29/01/2025 à 19:29 - MàJ le 19/03/2025 à 15:11

Parcours
Vice-président Impact et Gouvernance
Responsable du développement
Responsable des formations et de la recherche ESG
Consultant
Juriste et chargé de projet
Chargé de recherches
Aide juridique
Établissement & diplôme
Master droit des Droits de l’homme et droit humanitaire
Master sécurité internationale
Fiche n° 53649, créée le 11/03/2025 à 10:20 - MàJ le 19/03/2025 à 14:38

Sébastien Bailleul
Directeur PEPS : partenariat, Europe, plaidoyer, stratégie de communication. @ Wimoov
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Parcours
Directeur PEPS : partenariat, Europe, plaidoyer, stratégie de communication.
Directeur régional Île-de-France
Délégué général
Chef de projet - Campagne de mobilisation citoyenne
Responsable de la mobilisation & coordination événementielle
Chargé de développement projet jeunesse et collecte de fonds
Régisseur studio photo & Assistant service édition
Fiche n° 53712, créée le 19/03/2025 à 12:24 - MàJ le 19/03/2025 à 14:15
Parcours
Sénateur (SER) de Meurthe-et-Moselle
Président
Conseiller
Adjoint au maire et membre de la communauté de communes
Fiche n° 45426, créée le 25/02/2022 à 15:28 - MàJ le 19/03/2025 à 14:38