Exclusif[Think 2025] « Nous voulons réinventer la grande vitesse pour les voyageurs » (Rachel Picard, Proxima)
« Pour rendre le ferroviaire plus attractif pour le capital privé, la première condition est la stabilité des règles d’accès au réseau ferroviaire. Les investisseurs qui financent les projets ont besoin de visibilité à long terme, comme le montre l’exemple de Proxima, qui a lancé sa recherche de fonds en 2022, pour une première circulation des trains en 2028, et une montée en puissance jusqu’en 2032, soit dix ans incompressibles », déclare Rachel Picard
CEO et co-fondatrice @ Proxima
, CEO et co-fondatrice de Proxima, le 18/03/2025.
Elle s’exprime lors de la keynote d’ouverture de Think Mobilités, à Sorbonne Université. Notre 2e édition avait pour thème « Financement des mobilités : quels nouveaux modèles, pour quels résultats ? » et a enregistré 241 inscrits.
« La seconde condition : une répartition des rôles claire. D’un côté, nous avons SNCF, l’entreprise publique qui gère le réseau ferré français. SNCF, c’est aussi l’opérateur de grande vitesse TGV INOUI et Ouigo, avec 400 trains, et une politique de dessertes de 280 gares qui correspond à la mission qui lui est donnée par son actionnaire, l’État français. De l’autre côté, nous avons les autres opérateurs privés ou étrangers, comme Proxima, qui investissent pour acheter quelques dizaines de trains et adresser ou créer une demande particulière, chacun avec son modèle propre. Ils viennent ainsi développer le ferroviaire sans 1 euro d’argent public, et à ce titre ne peuvent pas être soumis aux mêmes obligations de service public. Chacun son rôle. Et le rôle que nous nous donnons : c’est aussi réinventer la grande vitesse pour les voyageurs. »
« Si rien n’est fait, dans dix ans, plus de 30 % des voyageurs ne pourront pas prendre le train »
Rachel Picard a abordé le financement des mobilités ferroviaires et la pénurie de trains. « C’est un défi majeur auquel nous faisons face : depuis la fin du COVID, la demande explose et le système ferroviaire de la grande vitesse est en tension. Les trains se remplissent trop vite, entraînant une perception de cherté et d’inaccessibilité, et des voyageurs qui ne peuvent pas partir en train et restent à quai.
Pourquoi ? Parce que les Français plébiscitent le train, mode de transport le plus écologique : il émet 60 fois moins de CO₂ que l’avion et 30 fois moins que la voiture. Cette dynamique est d’ailleurs consacrée par la loi, avec l’interdiction des vols intérieurs lorsqu’une alternative ferroviaire de moins de 2h30 existe
L’évolution du travail post-COVID a bouleversé nos déplacements, favorisant l’essor des grandes villes régionales. Leurs habitants empruntent massivement le train pour concilier vie professionnelle et personnelle, un phénomène particulièrement marqué sur la façade atlantique, un territoire ultra-dynamique.
Malheureusement, l’offre de places disponibles ne répond pas à la demande actuelle. La SNCF le reconnaissait elle-même déjà en 2024 '(…) il n’y aura pas de miracle. Nous n’avons pas de rames neuves donc on fera quelques centaines de milliers de places en plus, on n’en fera pas des millions'. »
Quelles conséquences pour les Français ?
En 2022, vers les destinations atlantiques, 8 % des voyageurs ne pouvaient voyager faute de place. Et si rien n’est fait, dans dix ans, plus de 30 % des voyageurs ne pourront pas prendre le train.
Or, nous le savons tous, les investissements publics sont limités. La SNCF a de nombreuses priorités : entretien du réseau, modernisation des gares, développement des trains régionaux.
Elle a déjà passé commande de 115 TGV neufs - notamment pour moderniser un parc vieillissant, mais aussi pour partir à la conquête de l’Italie et de l’Espagne - mais elle ne peut pas concentrer tous ses efforts sur la grande vitesse.
Alors, quelle solution face à cette pénurie de trains ? Une opportunité pour le train en France : l’ouverture à de nouveaux opérateurs privés.
Elle permet de financer plus de rames, d’ajouter des trains sur les voies ferrées, et d’améliorer l’offre pour tous les voyageurs.
Nous avons fondé Proxima, la première compagnie indépendante de trains à grande vitesse 100 % française, exactement pour cela. Nous allons ainsi ajouter dix millions de places supplémentaires par an entre quatre villes majeures de l’ouest : Rennes, Angers, Nantes, Bordeaux et Paris pour remédier à la pénurie de places sur la façade Atlantique
Pour cela, nous avons levé un milliard d’euros, avec l’appui majeur du fonds Antin Infrastructure Partners. Un milliard d’investissements au tout début du projet pour financer le matériel et son système de maintenance.
Pour le matériel, nous avons choisi le constructeur français Alstom. Nos 12 trains à grande vitesse de dernière génération Avélia Horizon sont déjà en construction et créent des emplois aux quatre coins de la France, à Belfort, Valenciennes, La Rochelle.
Nous avons également signé un accord avec Lisea pour la construction d’un atelier de maintenance en Nouvelle-Aquitaine, près de Bordeaux - les travaux ont également débuté sur le site.
Quand nous serons lancés en 2028, nous financerons aussi directement la maintenance et l’évolution de l’infrastructure ferroviaire : avec 200 millions d’euros de redevance chaque année, soit en cinq ans 1 milliard pour le réseau et les gares SNCF.
C’est grâce à l’arrivée de nouveaux acteurs et investisseurs comme nous que la France pourra répondre aux besoins de mobilité décarbonée des Français.
Rendre le ferroviaire plus attractif
Proxima est une belle histoire industrielle et ferroviaire mais aujourd’hui, elle est encore trop isolée car ce type d’entreprise nécessite des investissements massifs, avec des retours longs et incertains.
Pour rendre le ferroviaire plus attractif pour le capital privé, deux conditions sont indispensables
La première : la stabilité des règles d’accès au réseau ferroviaire. Les investisseurs qui financent les projets ont besoin de visibilité à long terme et ne peuvent être soumis à des décisions politiques fluctuantes. Par exemple pour Proxima nous avons lancé la recherche de fonds en 2022, pour une première circulation des trains en 2028, et une montée en puissance jusqu’en 2032, soit dix ans incompressibles.
La seconde condition : une répartition des rôles claire. D’un côté, nous avons SNCF, l’entreprise publique qui gère le réseau ferré français. SNCF, c’est aussi l’opérateur de grande vitesse TGV INOUI et Ouigo, avec 400 trains, et une politique de dessertes de 280 gares qui correspond à la mission qui lui est donnée par son actionnaire, l’État français. De l’autre côté, nous avons les autres opérateurs privés ou étrangers, comme Proxima, qui investissent pour acheter quelques dizaines de trains et adresser ou créer une demande particulière, chacun avec son modèle propre. Ils viennent ainsi développer le ferroviaire sans 1 euro d’argent public, et à ce titre ne peuvent pas être soumis aux mêmes obligations de service public. Chacun son rôle.
Et le rôle que nous nous donnons : c’est aussi réinventer la grande vitesse pour les voyageurs.
Inventer le ferroviaire de demain
Pendant longtemps, le progrès dans les transports a été une course à la vitesse. On l’a vu, aujourd’hui, il est dans l’accès au train (en mettant des places en plus) mais nous croyons qu’il est aussi dans la qualité du voyage que l’on proposera à nos clients.
A un niveau individuel, notre ambition est de faire de ce temps contraint -le voyage- un temps réinvesti : travailler efficacement, se détendre, profiter d’une offre de services à bord imaginée pour chacun. Il faut personnaliser l’expérience et la penser dès la conception.
A un niveau collectif, le progrès, c’est relier les territoires, faciliter les échanges. C’est un progrès utile, partagé par le plus grand nombre, avec un impact positif sur la société et sur notre planète.
Pour que l’on fasse progresser le ferroviaire et la grande vitesse en France, pour que l’on réponde à la pénurie de trains qui privent les Français de mobilité, l’État, la SNCF et les opérateurs privés doivent travailler ensemble pour développer une offre ferroviaire robuste, accessible et compétitive.
C’est un défi, mais aussi une formidable opportunité pour inventer le ferroviaire de demain.

Parcours
CEO et co-fondatrice
Chairwoman of the Board
Directrice générale
Directrice générale
Directrice générale déléguée puis présidente
Directrice générale adjointe puis directrice générale
Directrice générale
Directrice Tour operating Europe
Sales Manager
Adjointe à la direction des ventes
Établissement & diplôme
Diplomée
Fiche n° 53601, créée le 04/03/2025 à 20:28 - MàJ le 18/03/2025 à 18:32