[Think 2025] « Nous souhaitons une tarification équitable dans les transports » (G. Leseul, député)
« L’ouverture à la concurrence des transports suscite chez les parlementaires une inquiétude permanente. Est-ce que, finalement, l’ouverture à la concurrence, l’ouverture du marché, ne va pas détricoter une partie de ce que patiemment la France a construit dans son aménagement du territoire ? Nous, parlementaires, souhaitons qu’il puisse y avoir un service à peu près équivalent en tout point du territoire. Nous souhaitons tous, quel que soit le bord politique, une tarification équitable en matière de déplacement », selon Gérard Leseul
Député PS de la 5e circonscription de Seine-Maritime @ Assemblée nationale
, député de la Seine-Maritime, le 18/03/2025.
Il s’exprime lors d’une table ronde consacrée aux freins au développement du ferroviaire et aux solutions pour avancer, organisée par News Tank dans le cadre d’une matinée de tables rondes « Think Mobilités 2025 » à Jussieu (Sorbonne Université). Plusieurs sujets ont été abordés : les difficultés liées à l’ouverture à la concurrence du rail du point de vue d’un Parlementaire et de l’AFRA
Association française du rail
, qui représente les opérateurs alternatifs à la SNCF, mais aussi les difficultés à acquérir du matériel roulant. Sans oublier le rôle des Régions dans cette ouverture à la concurrence et plus généralement le développement de l’offre ferroviaire. Pour développer l’offre, selon Gérard Leseul, il est nécessaire de « revenir à l’usage » en « simplifiant l’expérience du transport ferroviaire et la billettique ».
« Les réussites de l’ouverture à la concurrence (augmentation de l’offre, baisse des prix, etc.) ne doivent pas nous faire oublier les obstacles qui jalonnent le parcours du candidat à l’entrée sur le marché ferroviaire. Ces barrières sont variées : administratives, techniques, financières ou stratégiques. Les opérateurs ne pourront pas répondre à des procédures trop lourdes. Chacun doit prendre le temps de construire les procédures avec des données de qualité, avec les bons éléments, sans se précipiter », indique Solène Garcin-Berson
Déléguée générale @ Association française du rail
, déléguée générale de l’AFRA.
« Le point de vigilance le plus important, c’est l’acquisition du matériel roulant. C’est la SNCF qui commande pour nous et les Régions deviennent propriétaires quand elles le souhaitent. Si les Régions se mettent à commander directement leur matériel, cela pose un enjeu très lourd de responsabilité. Nous réfléchissons au sein de Régions de France à différents modèles, qu’il s’agisse d’une Rosco
Rolling stock company, ou société de location de matériel roulant
ou d’une autre solution », déclare Michel Neugnot
Co-président de la commission Mobilité @ Régions de France • Premier vice-président en charge des Mobilités, transports scolaires, intermodalités et infrastructures @ Région Bourgogne-Franche-Comt…
, vice-président en charge des mobilités de la Région Bourgogne-Franche-Comté et co-président de la commission Mobilités de Régions de France.
« Il faut un peu plus de quatre ans pour homologuer une locomotive, ce qui est délirant. À chaque fois que nous voulons homologuer un produit, il faut le faire dans chaque pays. Nous devons lancer les états généraux du rail, afin d’avoir une vision du rail en France et en Europe en 2050, au-delà de la question du financement. D’abord, nous établissons une feuille de route. Ensuite, nous parlons de financement. Dans ces états généraux, Siemens sera promoteur de plus d’Europe. Nous devons mettre en place un système à l’image de l’aéronautique, même si cela est difficile. C’est-à-dire une entité européenne qui règle les questions d’homologation, afin d’adapter ensuite les infrastructures à l’échelle nationale », déclare Alexandre Quéméneur
Président & CEO de Siemens Mobility France @ Siemens Mobility SAS
, président de Siemens Mobility France.
News Tank rend compte des échanges.
Ouverture à la concurrence du rail : « Le marché français est attractif, mais les opérateurs ont besoin de visibilité » (Solène Garcin-Berson, AFRA)
La première chose est de se procurer du matériel. C’est un actif cher et il n’y a pas de marché de la location, ni de marché de l’occasion. Accéder aux équipements de signalisation est également compliqué, notamment en raison de règles instables. Une fois que le candidat a réussi à se procurer et à équiper son matériel, il faut l’homologuer. Le process est compliqué et peut être long. D’autant qu’il dépend du centre d’ingénierie du matériel qui a toujours un rôle dans le process d’homologation. Tout cela représente un coût et des délais que l’opérateur doit pouvoir supporter. Une fois que le matériel est homologué, l’opérateur doit s’assurer de sa compatibilité avec la ligne. Pour cela, il doit disposer de données. Or, il demeure une grande dépendance aux outils et informations de la SNCF. Ces derniers doivent être disponibles et lisibles.
Rappelons enfin que les opérateurs en SLO Services librement organisés supportent le risque industriel et commercial sans aucun concours public pour développer un service qu’ils déterminent librement. Le marché français est attractif, mais ils ont besoin de visibilité. Si les barrières sont trop hautes, elles sont susceptibles de dissuader les opérateurs au détriment des voyageurs, mais aussi du gestionnaire d’infrastructures qui ne bénéficiera pas des recettes pour financer le réseau. »
Solène Garcin-Berson, déléguée générale de l’AFRA
Matériel roulant : « Les freins de la sur-spécification, de la fragmentation du marché et de l’homologation » (Alexandre Quéméneur, Siemens)
Tout d’abord, la sur-spécification. Un millefeuille d’exigences pèse sur le ferroviaire. Des exigences contractuelles, européennes, mais aussi historiques qui sont parfois subjectives. Le matériel roulant du Francilien a été renouvelé avec 360 rames Z 50000 entre 2009 et 2022. Ce produit a eu beaucoup de mal à arriver à maturité et pourtant, lorsque la supply chain est devenue mature, sa fabrication a été arrêtée. Il est impossible de l’exporter ailleurs, car ce matériel est sur-spécifié, exclusif au client final et trop cher.
Le deuxième problème est la fragmentation du marché. Il n’y a pas de marché européen du ferroviaire, mais que des marchés nationaux. Cela signifie que nous faisons des projets. Nous ne faisons pas des produits, ni des programmes. L’aéronautique a un modèle totalement différent.
Enfin, la dernière difficulté est l’homologation. Il faut un peu plus de quatre ans pour homologuer une locomotive, telle que la Vectron développée par Siemens, ce qui est délirant. À chaque fois que nous voulons homologuer un produit, il faut le faire dans chaque pays. Cela ne fonctionne pas et nous aurons du mal à développer du matériel ferroviaire tant que nous serons soumis à un tel modèle. »
Alexandre Quéméneur, président de Siemens Mobility France
Ouverture à la concurrence des TER : « Le premier écueil, méconnaître la complexité réelle du dossier » (Michel Neugnot, Région BFC Bourgogne-Franche-Comté )
L’autre difficulté, ce sont les opérations à mi-vie sur le matériel roulant qui limitent sa disponibilité. Dans ce type d’opérations, nous sommes coincés par la relation que nous avons avec SNCF Voyageurs. Nous savons que nous pourrions avoir de meilleurs coûts, notamment en recourant directement avec des sous-traitants de la SNCF. Le point de vigilance le plus important, c’est l’acquisition du matériel roulant. C’est la SNCF qui commande pour nous et les Régions deviennent propriétaires quand elles le souhaitent. Si les Régions se mettent à commander directement leur matériel, cela pose un enjeu très lourd de responsabilité. Nous réfléchissons au sein de Régions de France à différents modèles, qu’il s’agisse d’une Rosco ou d’une autre solution. Sachant que passer d’un modèle d’achat à un modèle de location a un impact direct sur nos normes comptables puisque c’est du fonctionnement et non plus de l’investissement. »
Michel Neugnot, vice-président en charge des mobilités de la Région Bourgogne-Franche-Comté et co-président de la commission Mobilités de Régions de France
Développement de l’offre ferroviaire : « L’aménagement du territoire ne s’accommode pas toujours très facilement d’une libéralisation du marché » (Gérard Leseul, député)
Par ailleurs, il y a plusieurs années, nous avons entendu la demande de la SNCF d’avoir un grand plan d’investissement de 100 Md€ pour développer l’offre ferroviaire française. Nous sommes aujourd’hui conscients des limites budgétaires de notre pays. Au frein psychologique, s’ajoute donc un frein budgétaire.
Enfin, il y a un frein politique. Il nous faut effectivement plus d’Europe. Mais ce souhait n’est pas partagé par tous les Parlementaires. Une souveraineté industrielle, un renouveau industriel, qu’il soit national ou européen, cela ne fait pas beaucoup de débats. Mais une standardisation des procédures à l’échelle européenne, cela fait débat au Parlement. C’est un frein politique important, qu’il ne faut pas négliger. »
Gérard Leseul, député de la Seine-Maritime et vice-président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale
Les solutions pour développer le ferroviaire selon les intervenants
Matériel roulant : « Standardiser les produits » (Alexandre Quéméneur, Siemens)
« Parmi les solutions que Siemens apporte humblement, il y a la standardisation des produits. C’est notre façon de passer d’un mode projet à un mode produit. L’innovation, l’investissement et la R&D Recherche et développement ne se font pas à travers des projets. Si nous répondons à un appel d’offres, c’est que nous avons la solution. Si nous voulons investir en R&D, nous devons développer des produits sur le long terme. Donc standardiser les produits est vraiment dans le cœur de la stratégie du groupe Siemens. Par ailleurs, les industriels et les fournisseurs, dont nous faisons partie, devraient mieux savoir comment utiliser leur argent. La supply chain reste fragile alors que nous menons des projets dans tous les sens. Si nous voulons qu’elle soit très robuste, nous devons faire des produits. »
Matériel roulant : « Lancer les états généraux du rail » (Alexandre Quéméneur, Siemens)
« Nous devons lancer les états généraux du rail, afin d’avoir une vision du rail en France et en Europe en 2050, au-delà de la question du financement. D’abord, nous établissons une feuille de route. Ensuite, nous parlons de financement. Dans ces états généraux, Siemens sera promoteur de plus d’Europe. Nous devons mettre en place un système à l’image de l’aéronautique, même si cela est difficile. C’est-à-dire une entité européenne qui règle les questions d’homologation, afin d’adapter ensuite les infrastructures à l’échelle nationale. Par ailleurs, tous les pays veulent des usines capables de fabriquer des trains de A à Z. Or, dès que le niveau de commande diminue dans un pays, cela pose un problème de soutenabilité. Si nous arrivions à quelque chose de plus uniformisé à l’échelle européenne, nous pourrions avoir des usines spécialisées réparties dans les différents pays. »
Innovation : « Cibler les attentes des usagers pour les faire venir dans les transports et générer plus de recettes » (Alexandre Quéméneur, Siemens)
« Au-delà du financement public, l’argent doit aussi venir de nous tous usagers des transports. Nous attendons plus de régularité, du confort, de la fiabilité. Si le RER Réseau express régional arrivait toujours à l’heure, nous le prendrions tout le temps. Chez Siemens, nous essayons donc de cibler les attentes du client final. C’est la raison pour laquelle nous travaillons beaucoup sur l’automatisation du métro, car l’automatisation signifie une meilleure fiabilité, régularité, etc. Nous n’avons pas besoin de refaire un nouveau tunnel. Un métro automatique, avec un même niveau d’infrastructure, accueille 20 % d’usagers supplémentaires par rapport à un métro non automatisé. Plus de passagers, c’est plus de recettes. »
Innovation : « La virtualisation des systèmes de signalisation pour diminuer les coûts de maintenance » (Alexandre Quéméneur, Siemens)
« Autre innovation : la virtualisation des systèmes de signalisation dans un cloud pour avoir moins d’équipements au sol et donc diminuer les coûts de maintenance. Par ailleurs, la maintenance préventive, dont on entend beaucoup parler pour la matériel roulant mais qui s’applique aussi aux systèmes, c’est plus de compétitivité pour les opérateurs, plus de régularité et moins de problèmes en ligne pour les usagers. »
Ouverture à la concurrence des TER : « Tailler en lots, bien positionner les centres de maintenance » (Michel Neugnot, Région BFC)
« Nous avons, dans le même temps, étalé l’ouverture à la concurrence. Au départ, nous voulions tout ouvrir d’un coup, puis nous nous sommes rendu compte que nous pouvions tailler en lots. Cela est essentiel pour éviter les risques de désoptimisation. L’autre élément essentiel est le positionnement des ateliers de maintenance, car c’est ainsi que vous optimisez. En réfléchissant à la consistance des lots et en positionnant bien les centres de maintenance, nous créons donc des conditions favorables pour les opérateurs qui proposent leur service. »
Développement de l’offre : « Quelques moyens supplémentaires à redistribuer sur les territoires pour faire vivre la LOM Loi d’orientation des mobilités » (Michel Neugnot, Région BFC)
« L’ensemble de notre réseau de transport enregistre 12 % de voyageurs en plus entre 2023 et 2024. Il est important de réaliser souvent un choc d’offres. Il faudra aller plus loin que ce que nous avons fait. Je compte sur le versement mobilité pour développer de nouvelles offres. Si nous avions quelques moyens supplémentaires à redistribuer sur les territoires pour faire vivre la loi d’orientation des mobilités et développer les dessertes locales au sein de chaque intercommunalité, ça serait bien. »
Développement de l’offre : « Simplifier l’expérience du transport ferroviaire et la billettique » (Gérard Leseul, député)
« Avoir des clients, ça veut dire à la fois renforcer l’offre actuelle et la simplifier. Les Français ont plutôt une bonne image du train, mais le problème est le coût. En dehors de l’Île-de-France, il y a des difficultés d’intermodalité, d’interconnexion entre les transports qui ont chacun un coût. Il faut donc simplifier l’expérience du transport ferroviaire, conjugué éventuellement au bus, au tramway, au parking, etc. avec une billettique simplifiée, la plus unifiée possible, et abordable pour l’usager. Il faut revenir à l’usage. Il faut aussi enlever l’idée que le train serait cher, en le comparant à l’usage de la voiture. »
Ouverture à la concurrence : « Les opérateurs ne pourront pas répondre à des procédures trop lourdes » (Solène Garcin-Berson, AFRA)
« Nous avons de très belles perspectives avec des innovations industrielles et des Régions qui financent. Les Régions s’approprient pleinement le processus. Ce n’est pas toujours facile. Mais les opérateurs ne pourront pas répondre à des procédures trop lourdes. Chacun doit prendre le temps de construire les procédures avec des données de qualité, avec les bons éléments, sans se précipiter. Régions et opérateurs doivent monter en compétence sur le long terme pour bénéficier des innovations et solutions proposées. C’est une affaire collective à mener au bon rythme. »

Solène Garcin-Berson
Déléguée générale @ Association française du rail
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Parcours
Déléguée générale
Directrice juridique
Responsable juridique
Avocate
Établissement & diplôme
Diplomée
Fiche n° 53602, créée le 04/03/2025 à 20:41 - MàJ le 21/03/2025 à 16:43

Alexandre Quéméneur
Président & CEO de Siemens Mobility France @ Siemens Mobility SAS
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Parcours
Président & CEO de Siemens Mobility France
Vice-président - Managing director Alstom Services France
Directeur du programme Francilien
Directeur des programmes
Chief Executive Officer - Central Asia
Établissement & diplôme
Diplômé
Fiche n° 53603, créée le 04/03/2025 à 20:51 - MàJ le 21/03/2025 à 16:43
Michel Neugnot
Co-président de la commission Mobilité @ Régions de France
Premier vice-président en charge des Mobilités, transports scolaires, intermodalités et infrastructures @ Région Bourgogne-Franche-Comté (Bourgogne-Franche-Comté)
Membre du conseil d’administration @ AFIT France
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Parcours
Co-président de la commission Mobilité
Premier vice-président en charge des Mobilités, transports scolaires, intermodalités et infrastructures
Membre du conseil d’administration
Président de la commission Mobilité
Premier vice-président en charge des Finances, des ressources humaines, de la modernisation de l’administration, des transports, des déplacements et de l’intermodalité
Président du groupe de travail « Mobilités plus solidaires » lors des Assises de la mobilité
Direction études et recherches
Établissement & diplôme
Diplômé
Fiche n° 43215, créée le 14/03/2021 à 15:02 - MàJ le 21/03/2025 à 16:43
Gérard Leseul
Député PS de la 5e circonscription de Seine-Maritime @ Assemblée nationale
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Parcours
Député PS de la 5e circonscription de Seine-Maritime
Membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
Député PS de la 5e circonscription de Seine-Maritime
Co-rapporteur de la mission d’information flash sur les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des ZFE-m
Responsable des relations institutionnelles et de la RSE
Fiche n° 47519, créée le 13/10/2022 à 12:29 - MàJ le 21/03/2025 à 17:44