Support unique : « Le tester à la rentrée 2024 en ciblant les usagers occasionnels » (T. Coquil, DGITM)
« L’idée est d’expérimenter ce “titre unique”, que je préfère dénommer “support universel”, dans deux ou trois Régions et avec plusieurs agglomérations. D’autres territoires pourront intégrer la démarche au fil de l’eau. Des candidatures nous sont parvenues, il reste à choisir les territoires pilotes sachant qu’il est préférable qu’ils soient limitrophes, ce serait plus cohérent », déclare Thierry Coquil
Inspecteur général de l’environnement et du développement durable (Section habitat, aménagement et cohésion sociale) @ Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD)
, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités, à News Tank le 23/10/2023.
« Sa mise en place progresse, l’objectif reste bien une première expérimentation à la rentrée 2024. Des financements ont été obtenus par le Ministère pour l’expérimenter ; cela figure dans le PLF
Projet de loi de finances
2024. Il ciblera dans un premier temps les usagers occasionnels. »
« Disposer d’un support unique apporte de la cohérence. L’enjeu est d’offrir aussi une solution de service public. Les AOM
Autorité organisatrice de la mobilité
trouvent un intérêt dans cet effort de simplification. Un intérêt notamment financier car le maintien en permanence et au meilleur niveau d’un système billettique a son coût. »
Convergence entre ce « support universel » et le Pass rail, offre de service et quotidien des usagers, spécificités des missions de la DGITM
Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (ex-direction générale des infrastructures, des transports et de la mer)
, Thierry Coquil répond aux questions de News Tank.
« La spécificité de notre administration est d’être à la fois dans de l’ultra-quotidien, dès qu’il y a une crise, et dans du long terme » (Thierry Coquil)
Dans la continuité du hackaton organisé en février 2023, la DGITM porte, en lien avec les équipes lauréates, les AOM et l’ensemble de l’écosystème, les travaux visant à tester un titre unique de transports en commun à l’échelle de plusieurs territoires pilotes à la rentrée 2024. Est-ce en bonne voie ?
Sa mise en place progresse, l’objectif reste bien une première expérimentation à la rentrée 2024. Des financements ont été obtenus par le Ministère pour l’expérimenter ; cela figure dans le PLF 2024. Ce “titre unique”, je préfère le dénommer “support universel”, cela me semble plus approprié étant donné qu’il s’agit de pouvoir circuler sur plusieurs réseaux de transport via une démarche d’achat unique.
Sous quelle forme se présentera ce « support universel » ?
La solution sera basée sur une application mobile en post-paiement. Une fois son profil créé, chacun pourra voyager en activant l’application au début de son trajet et d’être facturé par la suite au plus juste en fonction de son déplacement et de son profil. Le but est de simplifier le parcours usager de bout en bout, de créer de l’interopérabilité entre des systèmes de transport existants.
L’idée est de l’expérimenter dans deux ou trois Régions et avec plusieurs agglomérations. D’autres territoires pourront intégrer la démarche au fil de l’eau. Des candidatures nous sont parvenues, il reste à choisir les territoires pilotes sachant qu’il est préférable qu’ils soient limitrophes, ce serait plus cohérent.
Ce support universel sera-t-il proposé à l’ensemble des usagers des transports ?
Il ciblera dans un premier temps les usagers occasionnels. Le sujet est plus complexe dès lors qu’on entre dans les strates des tarifications : tarifs réduits, jeune ou senior, etc - cela nécessitera de s’entendre sur leur nature et leur portée. Si l’expérimentation fonctionne avec les usagers occasionnels, ce travail d’homogénéisation des grilles sera à entreprendre.
Quelle convergence entrevoyez-vous entre ce support universel et le Pass rail également en projet ?
Le réel progrès, c’est de simplifier le quotidien des usagers »Ces deux projets qui s’entrecroisent relèvent d’une même approche, avec un objectif premier de simplicité d’usage et de report modal. C’est particulièrement vrai pour les nombreux Français qui habitent aux marges de plusieurs régions, mais aussi pour ceux qui se déplacent fréquemment entre deux régions, ou en dehors de l’origine-destination prévue par leur abonnement professionnel.
Si la réduction du prix du billet est l’un des leviers pour accélérer le report modal, ce n’est pas un but en soi. Le volume et la qualité de l’offre de service prime, comme le montrent toutes les enquêtes auprès des voyageurs. Le réel progrès, c’est de simplifier le quotidien des usagers, d’intégrer l’ensemble des possibilités de déplacements dans une même offre. On en est encore loin : prenez l’exemple du territoire d’Avignon, si on y vit à cheval sur plusieurs agglos, deux à trois abonnements sont nécessaires pour se déplacer facilement.
Disposer d’un support unique apporte de la cohérence. J’entends les avis de ceux qui s’étonnent, avec cette initiative, de voir l’État revenir sur des compétences décentralisées. C’est un fait, mais en coordination avec les AOM, pour soutenir leur action et répondre aux attentes de simplicité de nos concitoyens. L’État se pose ici dans une logique de constructeur de biens communs numériques, sous forme de registres, de référentiels, de gouvernances et de services partagés. Si les autorités publiques ne s’unissent pas pour chercher une solution, cela coûtera très cher pour tous les acteurs, et à terme quelques grands groupes du numérique ou des transports s’imposeront comme les repères des usagers.
L’enjeu est d’offrir aussi une solution de service public. Les AOM trouvent un intérêt dans cet effort de simplification. Un intérêt notamment financier car le maintien en permanence et au meilleur niveau d’un système billettique a son coût. En cela, la mutualisation de certains outils socles intéresse de près les collectivités.
Enfin, ces deux projets se nourrissent des exemples à l’étranger, au Pays-Bas, en Suisse et en Lituanie.
Le Forum international des transports organisait la conférence « Beyond the Horizon » à Paris au siège de la DGAC Direction générale de l’Aviation civile le 29/09/2023. Quels enseignements tirez-vous de l’événement ?
L’avenir s’écrit ensemble, à l’échelle européenne certainement, mais au-delà aussi »175 inscrits issus de 25 pays y ont participé. La transition écologique des transports est une transformation majeure. Face à un avenir incertain, avec des choix politiques, sociaux et technologiques, il est indispensable de partager, de confronter nos visions pour moins se tromper, éviter de partir isolément dans une direction, et pour entrevoir des possibilités qui auraient pu nous échapper. L’avenir se construit par nos visions, il s’écrit ensemble, à l’échelle européenne certainement, mais au-delà aussi.
Quels ont été ces points de convergence ?
Le premier point de convergence a porté sur le diagnostic et le champ de contraintes, le niveau de risques et de difficultés que tous les pays vont rencontrer durant cette prochaine décennie. Nous nous rejoignons sur le constat de lucidité : la prise de conscience que les transformations ne seront pas faciles à mener, notamment sur le plan de l’acceptabilité sociale. Cela génère une forme de modestie face à nos capacités d’action, de réalisme face à ce qu’on est capable de faire ou de ne pas faire.
Il fut aussi beaucoup question des solutions, des réalisations réussies. Et de ce dont les habitants, les citoyens ont envie. Quels sont leurs attentes et projections ? Il faut faire évoluer le rapport à la voiture, surtout si elle est imposante, utilise une énergie fossile et qu’il n’y a qu’un passager dedans ! Comment agir pour que leur quotidien n’implique pas de parcourir 80 km par jour, en travaillant sur l’habitat, l’emploi et l’aménagement urbain ?
Quels sont les engagements pris au terme de cette journée de débats ?
Principalement l’engagement de s’appuyer les uns et les autres, d’ouvrir nos horizons et nos portes pour que, si l’un s’interroge sur un enjeu, il se tourne vers ceux qui ont avancé sur le sujet.
Le monde des transports a peu évolué dans l’Europe de l’après-deuxième guerre mondiale. Il s’est consolidé autour de la route. Nous avons tous peu ou prou le même modèle, or on sait qu’il ne fonctionne plus… Dès lors, quel est le modèle du futur : difficile de le dire ! Suffit-il d’électrifier tous les véhicules ? Ou bien faut-il des engagements plus larges pour basculer réellement dans davantage de sobriété ?
Notre chance en France est, au niveau ministériel, du point de vue de la transition écologique, d’être intégré au ministère de l’Écologie. Une rareté en soi, par rapport aux autres pays.
Qu’est-ce que cela change ?
Nous pensons les transports dans une logique de transition environnementale et d’aménagement. Nous baignons dans cette approche depuis quinze ans. Elle nous a conduit à élargir notre champ de considérations. Sur le plan conceptuel, nous sommes plutôt pertinents, dans la mise en pratique c’est parfois plus délicat. La spécificité de notre administration est d’être à la fois dans de l’ultra-quotidien, dès qu’il y a une crise, et dans du long terme. L’écueil est de se laisser totalement happer par le premier.
Quel est le principal enjeu de votre administration en 2024 ?
Adapter notre organisation interne en fonction des enjeux en constante évolution »Disposer de moyens financiers et humains suffisants. Nos 400 cadres et agents sont répartis dans deux directions et des sous-directions. Le chiffre peut paraître élevé, mais à compétences équivalentes, c’est nettement moins que nos grands voisins. La croyance dans le fait que l’administration française est largement dotée est erronée.
Notre organisation interne s’adapte en fonction des enjeux en constante évolution. Au fil des années, les priorités ont changé. Certains domaines ont été réduits, par souci d’efficacité, parfois non sans regret, et d’autres émergent : numérique, adaptation au changement climatique, covoiturage, cars express, SERM Service Express Régional Métropolitain , JOP Jeux Olympiques et Paralympiques 2024,…
Cette année, l’optimisme est de mise : pour la première fois depuis plusieurs décennies, ce nombre d'ETP Équivalent temps plein se stabilise. On aura même un petit plus en 2024 !
Thierry Coquil
Inspecteur général de l’environnement et du développement durable (Section habitat, aménagement et cohésion sociale) @ Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD)
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Parcours
Inspecteur général de l’environnement et du développement durable (Section habitat, aménagement et cohésion sociale)
Directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM)
Président par intérim du conseil de surveillance et membre représentant de l’État
Chargé de mission - Accompagnement de la réforme de l’encadrement supérieur technique de l’État
Directeur des affaires maritimes, délégué mer et littoral
Directeur général des services
Directeur des transports et grands équipements
Directeur de projets ferroviaires
Chef de service grands travaux routiers
Coopérant technique mis à disposition auprès du Ministère cubain des transports
Adjoint au chef de bureau des transports en Île-de-France
Ingénieur d’études au service technique des bases aériennes
Volontaire service national, chef de projet
Établissement & diplôme
Mastère d’action publique
Fiche n° 47709, créée le 02/11/2022 à 18:34 - MàJ le 20/06/2024 à 20:34
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