Exclusif« Les IRVE sont passées d’un territoire d’expérimentation à un chantier industriel » (E. Seddiki, Ingérop)

News Tank Mobilités - Paris - Analyse n°416849 - Publié le
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©  Le Bon Portrait - Shoky van der Horst
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« Les IRVE Infrastructures de recharge pour véhicules électriques sont passées d’un territoire d’expérimentation à un chantier industriel à grande échelle. L’ingénierie a un rôle central - technique, systémique et stratégique - pour transformer la croissance actuelle en réseau fiable, interopérable et intégré au système électrique. Les innovations (ultra-charge, V2G Vehicle-to-grid. Exploitation des véhicules électriques qui sont connectés au réseau comme moyen de stockage d’électricité en renvoyant l’électricité vers le réseau ou en réduisant le taux de charge. , recharge dynamique) offrent des opportunités majeures ; mais pour qu’elles apportent une valeur durable, il faudra coordonner standards, réseaux, modèles économiques et politiques publiques. C’est à cette condition que la promesse d’une mobilité véritablement électrique, pratique et inclusive, pourra être tenue », déclare Elias Seddiki Directeur Smart Mobilité, Transport & Systèmes @ Ingérop Conseil et Ingénierie
, directeur Smart Mobilité, Transport & Systèmes du groupe Ingérop • Groupe d’ingénierie et de conseil spécialisé dans les domaines de la mobilité durable, de la transition énergétique et du cadre de vie• Réseau : 70 pays dont la France (40 avec sites) et 104… , dans une tribune transmise en exclusivité à News Tank le 27/10/2025.

« L’ingénierie ne suffit pas, elle a besoin de modèles économiques robustes : les subventions publiques, les concessions, les partenariats public-privé et une tarification adaptée seront nécessaires pour couvrir les coûts d’investissement, d’exploitation et de maintenance des IRVE. Par ailleurs, la priorité sociale - accès à la recharge pour les ménages sans stationnement privé - impose un effort de déploiement en voirie et dans le logement social. »


« Plus qu’un réseau de recharge, les IRVE Infrastructures de recharge pour véhicules électriques sont l’ossature invisible de la transition énergétique » (Elias Seddiki)

« La transition vers la mobilité électrique ne se résume pas à vendre des voitures : elle repose d’abord sur l’existence d’un réseau de recharge dense, fiable et intelligent. Aujourd’hui, les infrastructures de recharge pour véhicules électriques ont connu une accélération forte, mais restent confrontées à un double enjeu : rattraper un besoin en croissance exponentielle et évoluer techniquement pour s’intégrer aux systèmes énergétiques et urbains.

IRVE Infrastructures de recharge pour véhicules électriques en France et dans le monde : une croissance aussi soutenue qu’inégale

À l’échelle mondiale, le parc public de bornes a enregistré une croissance record : plus d’1,3 million de points de recharge publics ont été ajoutés en 2024, une progression d’environ 30 % par rapport à l’année précédente. La plupart des gains récents étant concentrés en Chine. Ces chiffres traduisent une montée en puissance mondiale mais aussi des déséquilibres régionaux.

En France, selon l'Avere-France • Association nationale pour le développement de la mobilité électrique• Création : 1978• Missions : - Promouvoir la mobilité électrique auprès des élus, institutions, entreprises, grand-public…… , le réseau public s’est considérablement développé : au 31/08/2025, la France comptait 177 180 points de recharge ouverts au public, un rythme qui pose les jalons d’une couverture plus large mais qui devra rester soutenu pour couvrir tous les usages (urbain, résidentiel sans parking privé, interurbain).

En Europe, les trajectoires montrent que l’effort d’installation doit encore s’intensifier pour atteindre les objectifs 2030 : les estimations récentes évaluent un besoin de plusieurs millions de bornes supplémentaires (ordres de grandeur : huit à neuf millions en 2030 selon différentes projections), ce qui impose d’augmenter sensiblement le rythme hebdomadaire des installations.

Un écosystème fragmenté et sous-tension

Le réseau reste freiné par une forte hétérogénéité des acteurs et des standards, des systèmes de paiement et de gestion des données fragmentés, ainsi que par la complexité du dimensionnement énergétique et du pilotage des charges locales.

À cela s’ajoute la diversité des usages — de la recharge résidentielle lente à la recharge ultra-rapide pour l’itinérance — qui nécessite des modèles techniques et économiques adaptés à chaque situation.

Le rôle central de l’ingénierie dans la transformation des IRVE en services intégrés

L’ingénierie joue un rôle clé à chaque étape de l’évolution des infrastructures de recharge, en les faisant passer du simple corps d’équipement à un véritable service intégré.

Elle intervient dès la conception, à travers les études de site et de raccordement électrique, la modélisation des flux de charge ou encore la simulation des pointes pour anticiper l’impact sur les réseaux locaux.

Elle est également au cœur du pilotage intelligent, avec le développement de systèmes de gestion de l’énergie (EMS) et l’intégration d’algorithmes capables d’optimiser la puissance, de lisser les profils de charge ou d’adapter la tarification en temps réel.

Enfin, l’ingénierie logicielle et système rend possible l’interopérabilité et l’émergence de nouveaux services grâce à la mise en œuvre de standards tels que l’ISO 15118 (Plug & Charge, bidirectionnel) ou le protocole Open Charge Point Protocol (OCPP Open Charge Point Protocol  : solution standardisée pour la communication entre les bornes de recharge et les systèmes de gestion centralisés) pour la supervision et la maintenance.

Les innovations d’aujourd’hui au service des usages de demain

Plusieurs innovations technologiques dessinent le futur proche des infrastructures de recharge électrique.

Les stations ultra-rapides et les hubs multi-puissance, capables de délivrer plus de 150 kW, se développent pour réduire le temps d’arrêt lors des longs trajets, nécessitant une ingénierie de forte puissance et des solutions de stockage tampon.

Parallèlement, les systèmes bidirectionnels et le vehicle-to-grid (V2G Vehicle-to-grid. Exploitation des véhicules électriques qui sont connectés au réseau comme moyen de stockage d’électricité en renvoyant l’électricité vers le réseau ou en réduisant le taux de charge. ) permettent d’intégrer les batteries des véhicules au service du réseau, offrant flexibilité et compensation des pointes, à condition de disposer de standards fiables et de garanties techniques solides.

Le modèle de « charging-as-a-service » se généralise également, avec des alliances entre opérateurs pour proposer des accès transfrontaliers et des solutions de paiement unifiées, comme le montrent les initiatives d’agrégation de réseaux en Europe visant à simplifier l’expérience utilisateur.

Enfin, les technologies de recharge dynamique et inductive se testent sur des infrastructures embarquées dans la route, avec un projet pilote d’autoroute rechargeable en France dès 2025, ouvrant la voie à de nouveaux modèles, notamment pour les véhicules lourds.

Cependant, bien que ces innovations soient prometteuses, leur industrialisation restera graduelle et coûteuse.

Des enjeux de gouvernance, de financement et d’équité d’accès

L’ingénierie ne suffit pas, elle a besoin de modèles économiques robustes : les subventions publiques, les concessions, les partenariats public-privé et une tarification adaptée seront nécessaires pour couvrir les coûts d’investissement, d’exploitation et de maintenance des IRVE. Par ailleurs, la priorité sociale - accès à la recharge pour les ménages sans stationnement privé - impose un effort de déploiement en voirie et dans le logement social.

Accélérer la transition des IRVE : recommandations opérationnelles

Les stations ultra-rapides et les hubs multi-puissance, capables de délivrer plus de 150 kW, se développent pour réduire le temps d’arrêt lors des longs trajets, permettant par exemple à un conducteur de parcourir Paris‑Lyon en toute sérénité avec seulement quelques minutes de recharge intermédiaire. Ces infrastructures exigent une ingénierie de forte puissance et des solutions de stockage tampon pour assurer la stabilité du réseau et optimiser la disponibilité des bornes.

Parallèlement, les systèmes bidirectionnels et le vehicle-to-grid (V2G) offrent la possibilité d’intégrer les batteries des véhicules au service du réseau, améliorant sa flexibilité et sa capacité à compenser les pointes, à condition de disposer de standards fiables et de garanties techniques solides.

Le modèle de « charging-as-a-service » se généralise, avec des alliances entre opérateurs permettant des accès transfrontaliers et des solutions de paiement unifiées, simplifiant ainsi l’expérience utilisateur.

Enfin, les technologies de recharge dynamique et inductive se testent sur des infrastructures embarquées dans la route, avec un projet pilote d’autoroute rechargeable en France dès 2025 avec notamment Cofiroute et le projet « Charge As You Drive » où Ingérop assure la maîtrise d’œuvre globale de cette opération innovante. A terme, le projet pourrait permettre aux poids lourds de se recharger sans s’arrêter, transformant la logistique sur les grands axes et ouvrant la voie à de nouveaux modèles de mobilité électrique.

Les IRVE sont passées d’un territoire d’expérimentation à un chantier industriel à grande échelle. L’ingénierie a un rôle central - technique, systémique et stratégique - pour transformer la croissance actuelle en réseau fiable, interopérable et intégré au système électrique. Les innovations (ultra-charge, V2G Vehicle-to-grid. Exploitation des véhicules électriques qui sont connectés au réseau comme moyen de stockage d’électricité en renvoyant l’électricité vers le réseau ou en réduisant le taux de charge. , recharge dynamique) offrent des opportunités majeures ; mais pour qu’elles apportent une valeur durable, il faudra coordonner standards, réseaux, modèles économiques et politiques publiques. C’est à cette condition que la promesse d’une mobilité véritablement électrique, pratique et inclusive, pourra être tenue."

©  Le Bon Portrait - Shoky van der Horst
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